Je fais partie des milliers de chanceux de ce terrible matin.  Difficile d’y croire, de l’accepter, de se rassurer… et pourtant.  Dans cet espace de bureaux, avec quelques collègues, nous regardons les va-et-vient du quartier Schuman, nous sursautons au moindre bruit, nous restons cloîtrés par crainte d’être une victime de plus de ces loups sans pitiés. Ne pas avoir peur. Les yeux rivés sur les sites d’information et les réseaux sociaux, je suis envahie par ce sentiment d’être privée de liberté, au delà de l’angoisse d’une explosion de plus (partout et tout le temps). J’ai besoin de quitter rapidement les lieux, de retrouver les miens. A 13h enfin, je m’en vais. Ne pas avoir peur. Je marche, d’un pas rapide, comme beaucoup de Bruxellois autour de moi. Nous avons tous ce regard vide ou les yeux rivés sur le portable, l’esprit embué et les traits tirés par cette journée abominable…

Et enfin, se poser. Chez soi, avec les siens. La pression lâche, les larmes, la colère. Ne pas avoir peur. Difficile de se déconnecter de ces images, de ces témoignages. Les messages de solidarité, les dessins, les pensées… réchauffent le coeur et renforcent notre résistance. Perdus dans cet océan de rage et de tristesse, nous essayons de reprendre notre souffle, et chacun de ces messages est comme une bouée de sauvetage. On se sent moins seul, et peut-être un peu moins impuissant. Sortir la tête de l’eau, apprendre à ne pas avoir peur et préserver notre liberté quotidienne. Parce qu’on doit malheureusement vivre avec des cons.

 

Illu Bruxelles : Sophie Voituron - a day of strike in Brussels

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